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Pour un antifascisme anti-autoritaire et de classe

« L’allumette est dans ma main et vos petites nations ne sont que du papier » (Nizàr Qabbàni)

Ce texte propose de contribuer à une discussion critique autour de l’antifascisme, entre autre suite à une explosion d’agressions et d’initiatives de l’extrême droite à Genève et en Romandie. Il n’est pas anodin que la montée de ce genre de discours progresse avec la crise. Les conséquents bouleversements qui nous attendent ces prochaines années non seulement intensifient la « possibilité de l’insurrection » mais aussi la marge de main-d’oeuvre politique de groupuscules qui misent sur le populisme et le repli identitaire. Si la nécessité de combattre cette forme de domination paraît assez évidente, il nous semble vital de s’interroger sur le sens que nous voulons donner à cette lutte pour éviter de la réduire à une simple confrontation viriliste entre deux extrêmes prétendument opposés.

Pour nous l’antifascisme relève d’une question de dignité et de culture.
Une question de dignité car les régimes fascistes devraient rester relégués dans la poubelle de l’histoire. Nous avons déjà vécu, et vivons parfois encore, les horreurs des lois raciales, de l’Etat totalitaire, des tortures des prisonnières politiques, de l’ignorance et de l’obéissance. Il est obscène qu’aujourd’hui les fascistes puissent tenter de maquiller leurs idées et de proposer à nouveau, sous des traits plus modernes, la même idéologie de haine et de soumission.

Une question de culture car les groupuscules fascistes qui commencent à se promener dans nos quartiers ne sont que la pointe d’un iceberg et trouvent leur légitimation dans une société qui, bien plus dangereusement et profondément, glisse vers le racisme institutionnel, la normalisation de la répression, la criminalisation des couches populaires et le contrôle social. Et c’est une tendance qui ne peut être contrée que par la culture et le développement d’une réflexion critique sur qui sont les vrais responsables de nos misères et qui sont celles et ceux qui les subissent autant que nous.

De la lutte de classe dans le combat anti-fasciste

Les fascistes ne sont rien d’autre que des chiens à la laisse de la bourgeoisie. Depuis toujours et, sans doute, jusqu’à jamais.Historiquement, le fascisme naît en Italie après la première guerre mondiale, afin de soutenir les réactionnaires de tout poil qui sentaient approcher la fin de leurs privilèges à cause des fréquents soulèvements des masses. Littéralement à solde des grands propriétaires terriens et des patrons de l’industrie italienne naissante, les « squadracce » des fascistes s’occupaient d’intimider les grévistes et les occupantes de terrains, notamment pendant le « biennio rosso » – une période de lutte et d’autonomie très intense pour une grande partie du prolétariat urbain et agricole. Avant comme maintenant, ils courbent l’échine devant les puissants et s’acharnent sur les plus faibles.

« Le Fascisme devrait plutôt être appelé Corporatisme, puisqu’il s’agit en fait de l’intégration des pouvoirs de l’état et des pouvoirs du marché. » (Benito Mussolini 1883-1945, dirigeant fasciste de l’Italie de 1922 à 1943)

Aujourd’hui nos fascistes locaux continuent de prôner cette détestable collaboration de classe : mieux vaut un exploiteur, pourvu qu’il soit Suisse, plutôt qu’un travailleur immigré qui subit la même exploitation que nous au quotidien. Au capitalisme néolibéral et mondialisé, ils opposent un capitalisme corporatiste et national. Ce n’est pas pour rien que les nazis de Genève, au lieu de s’attaquer aux patrons, aux proprios, aux traders et aux autres saloperies du Capital, préfèrent s’acharner sur les débrouillardEs et les joueurs de bonneteau, au nom de la « sécurité ». La tentative de se cacher derrière l’ethnodifférentialisme (« on n’est pas contre les nègres tant qu’ils restent chez eux ») est grotesque et ne sert qu’à déguiser une idéologie intrinsèquement raciste. Après avoir pillé l’Afrique avec les grandes puissances capitalistes occidentales, les fascistes prétendent savoir ce qui est mieux pour celles et ceux qui ont payé si cher cette domination coloniale, décrétant qu’en fin de compte tout le monde devrait rester « chez soi » et se lavant les mains de l’Histoire – or, colonisation, pillage et immigration sont ici intrinsèquement liés.

Cette dimension de classe a toujours été la base du combat antifasciste. Nous ne sommes pas antifascistes parce que nous haïssons l’idée de nation et de racisme, nous sommes antifascistes car nous reconnaissons dans l’idéologie fasciste, nationaliste ou identitaire une des facettes du capitalisme, une excuse toute faite à recracher en temps de crise pour nous manipuler. C’est pour cela qu’il est pour nous inconcevable de nous allier ou de faire front avec la « gauche », qui fait de la paix sociale et de la collaboration de classe sa raison d’être et qui, par conséquent, est aussi notre ennemie.

De l’antifascisme en tant que lutte anti-autoritaire

Le fascisme est le symbole de l’autoritarisme et de la domination, il est donc historiquement et idéologiquement ce qui est le plus opposé à notre sensibilité. Pendant les régimes fascistes, on enseignait dans les écoles à « obéir par ce qu’il faut obéir ». La lutte antifasciste est un combat pour une éducation critique, libre et émancipatrice.

Pour le fascisme, la femme n’était rien d’autre qu’une usine à enfants soumise à l’homme et toute sexualité déviante était punie. La lutte antifasciste est un combat pour exploser le patriarcat et les catégories de genre afin de pouvoir vivre nos rapports comme il nous plaît.

Pour le fascisme, les gens étaient leur race, et certaines races méritaient d’être déportées dans des camps. La lutte antifasciste est un combat contre toutes les frontières et contre les nouveaux camps où l’on concentre les sans-papiers pour les déporter loin de nous.

Sous le fascisme la liberté est violée par un Etat répressif qui prétend avoir la légitimité de contrôler et uniformiser tout individu ou collectivité. La lutte antifasciste est un combat contre les technologies de contrôle, contre la répression des mouvements sociaux et la criminalisation des groupes qui ne veulent pas se plier au monde de l’Argent et de la Police.

Au final, pour nous, la lutte antifasciste est un combat pour être libre. Aucune entente n’est donc possible avec les partis politiques qui, sans exclusion, fondent leur existence même sur la défense du statu quo démocratique. Une démocratie faite de privilèges pour celles d’en haut et de misère pour celles d’en bas.

Réseau Antifasciste GEnève

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